27
Vengeance aveugle

 

 

— Écrase ! Écrase ! rugissait l’énorme ogre pour le plus grand bénéfice de Le’lorinel, en agitant Crocs de l’égide.

— Taillade, taillade…, fit-on derrière la brute qui pivota, stupéfaite.

— Ngh ?

L’elfe contourna le monstre et se figea, scrutant la mince silhouette surgie dans la pièce.

Drizzt leva lentement la main, ôta sa chemise mouillée de sur son visage. L’ogre hésita, les yeux exorbités, mais le drow ne le regardait même plus : il observait avec attention l’elfe, les yeux bleus parsemés d’or rivés sur lui derrière un masque noir, étrangement familiers… emplis d’une haine intense.

Le gros monstre balbutia encore un ou deux mots avant de lâcher :

— Drow !

— Et ce n’est pas un ami ! assura l’elfe. Écrase-le. (Drizzt, ses cimeterres toujours au fourreau, considérait le personnage ; il essayait de se rappeler où il avait déjà vu ces yeux, à qui ils appartenaient. Comment se faisait-il qu’on ait l’air de l’attendre ainsi, pour le décréter d’emblée un ennemi ?) Il est venu prendre ton marteau, Bloog !

L’ogre se jeta soudain dans l’action, hurla à en faire trembler les murs. Il saisit le marteau de guerre à deux mains, assena un coup monumental au drow ; ou, plutôt, il s’y efforça. Crocs de l’égide décrivit derrière la brute un arc qui lui fit heurter durement le plafond bas. Un éclat de roche tomba sur la tête de Bloog.

Drizzt ne bougea pas. Il regardait toujours l’elfe qui ne l’attaquait pas, ne se dirigeait même pas vers lui.

L’ogre poussa un nouveau rugissement et cette fois se voûta un peu. Il voulait une fois de plus écraser son adversaire ; le marteau de guerre passa sous la voûte, s’abattit dans un mouvement irrésistible.

Le drow se tenait un peu de côté par rapport au monstre. Il bondit, effectua un saut périlleux en direction de l’ennemi, à l’intérieur de la trajectoire du coup. Au moment d’atterrir, il avait dégainé ses cimeterres qu’il plongea dans le corps de Bloog. Il frappa l’ogre plusieurs fois d’estoc, de taille une fois, puis se plaça de l’autre côté de la brute par rapport à l’elfe.

L’ogre ramena Crocs de l’égide contre lui comme si l’arme ne pesait rien, essaya en même temps d’attraper Drizzt de l’autre main.

Le drow était trop rapide pour cela ; reculant sans quitter le monstre des yeux, il frappa de ses deux lames le membre tendu vers lui.

Bloog glapit, retira sa main ensanglantée, mais se rua très vite sur son ennemi, enragé, maniant sauvagement Crocs de l’égide.

Drizzt se jeta à terre, avança en hâte, se releva en une roulade qui lui fit contourner son monstrueux adversaire, portant deux mauvais coups au flanc de la brute au passage. Mais, sans poursuivre son mouvement, il repartit très vite en arrière parce qu’il s’attendait à devoir affronter directement l’elfe qui avait fini par dégainer une rapière et une dague…

… L’individu lui rit au nez, continua à observer l’action.

— Bloog écrase ! beugla l’ogre obstiné.

Il rebondit sur le mur en pivotant, chargea encore Drizzt.

Crocs de l’égide siffla, à droite, à gauche, mais le drow avait pleinement trouvé son rythme de combat. Il n’était pas question de sous-estimer ce monstre muni du fabuleux marteau de guerre, surtout après avoir frôlé le désastre contre un autre ogre plus petit, près de la tour !

Drizzt évita l’arme au premier passage, puis au second. Les deux fois, il parvint à porter des coups (de simples piqûres) aux énormes avant-bras de la brute.

Bloog recommença la manœuvre ; le drow se jeta à terre. Crocs de l’égide heurta le mur au-dessus de l’âtre, arrachant un couinement de surprise à Régis, toujours dans la cheminée. Drizzt broncha, inquiet pour son ami.

Il se jeta en avant. L’ogre ne recula pas devant les deux lames, il accepta ces nouveaux impacts pour avoir le loisir de viser le crâne fragile de son adversaire.

Ce revers puissant du marteau – un coup en diagonale vers le bas – faillit frapper le drow. Pour un peu, sa tête éclatait en petits morceaux !

Mais son cimeterre porta un nouveau coup, bien appuyé. Drizzt se jeta de côté. Son adversaire ne paraissait pas handicapé, malgré les nombreuses blessures sanglantes sur sa peau.

Le drow se demandait combien de fois encore il faudrait toucher ce monstre pour l’abattre…

… Combien de temps il avait avant que des renforts viennent aider l’ogre…

… Quand l’étrange elfe à l’étonnante assurance se déciderait à se joindre au combat !

 

* * *

 

Hurlant le nom de Tempus, son dieu combattant, la divinité qui l’avait guidé de sa lumière dans son existence de guerrier, le fils de Beornegar fonçait sur le sentier tortueux. Parfois la voie était dégagée, parfois, sur la droite, des roches basses l’encombraient. Parfois la pente sur sa gauche était abrupte, parfois elle montait graduellement, ce qui lui donnait une meilleure vue du terrain.

Et permettait aussi aux archers dissimulés derrière les rochers, plus haut, de le viser.

Mais Wulfgar ne s’arrêtait pas. Il parvint à un endroit où le sentier restait à niveau. Derrière le virage suivant, à un endroit où le chemin se faisait plus large, il entendait l’ogre jeteur de pierres. En adressant une prière cette fois silencieuse à Tempus, le barbare chargea, lâcha un puissant cri quand la brute le vit. L’ogre étonné jeta sur lui un autre projectile, et son adversaire se baissa pour l’éviter.

Voyant que la pierre n’avait pas atteint son but, le monstre tendit la main vers sa grosse massue, mais Wulfgar était trop rapide pour que l’autre ait le temps d’assurer sa prise. De toute manière, la fureur du combat le portait : il assena un coup phénoménal de sa bardiche. L’ogre reçut l’impact en pleine poitrine, fut projeté contre la paroi où il s’abritait. Il s’affala, déjà à l’agonie.

Le barbare bondit en arrière et comprit qu’il avait de sérieux ennuis. En frappant avec une telle force, il avait fendu le manche de son arme ! Le bois n’avait pas entièrement cédé, mais ne supporterait plus beaucoup de chocs. Pis encore, un rocher un peu plus loin, à flanc de montagne, roula soudain de côté, révélant un passage. Un demi-ogre en sortit, rugissant, chargea. Un homme de petite taille, très laid, suivait. Une femme rousse, l’air d’une combattante aguerrie, fermait la marche.

Une flèche rebondit sur la pierre tout près du barbare. En cette position exposée, il ne pouvait se permettre de s’écarter de la paroi derrière laquelle s’était caché son précédent adversaire.

Il avança vers le demi-ogre, s’arrêta ; la brute, tête baissée, épaules voûtées, voulait le heurter de plein fouet. Wulfgar, à ce moment, se réjouit fort d’avoir bénéficié de l’enseignement de Drizzt Do’Urden, d’avoir appris grâce à lui les intéressantes subtilités de la déviation des coups au lieu de tout bonnement les encaisser avant d’y répondre ! Il fit un unique pas de côté, tendit sa jambe devant la brute qui fonçait, déséquilibrée, puis, pivotant au moment où le demi-ogre passait avec gaucherie devant lui, planta la garde de son arme sous l’aisselle du monstre qu’il poussa de toutes ses forces.

Le barbare fut soulagé de voir la brute basculer, passer par-dessus le bord du sentier avant de heurter les roches en dessous. Il ne savait pas sur quelle distance le demi-ogre allait dévaler la pente, mais enfin il pensait en être débarrassé pour l’instant.

Ce qui valait mieux, car le pirate humain était déjà là, frappait de son épée acérée, et Wulfgar eut fort à faire pour garder à distance cette mauvaise pointe. Pis encore, la femme rousse s’y mettait aussi, portait des coups redoutables de sa lame, contournait d’une botte démoniaque le barrage de la bardiche, obligeant son ennemi à reculer.

Elle savait se battre, Wulfgar le comprit d’emblée. Il aurait besoin de toute son énergie s’il voulait avoir la moindre chance de survivre ! Le barbare prit alors un risque calculé : il fit soudain un pas en avant, accepta un léger coup d’estoc porté par l’homme à côté de lui.

Léger, oui, car, au moment où l’ennemi attaquait, le barbare avait lâché l’arme dans sa main droite pour porter un prodigieux coup de poing qui frappa le pirate en pleine face. L’homme s’était réjoui trop tôt ; avant que sa lame puisse s’enfoncer dans le flanc de son colossal adversaire, il volait pour finir écroulé sur les roches.

Restaient le barbare et Sheila Kree – la femme devait être le chef de cette bande de brigands. Comme Wulfgar aurait aimé la voir armée de Crocs de l’égide et non de son épée bien aiguisée ! Il lui aurait arraché son marteau de guerre en quelques mots avant de le retourner contre elle…

En l’occurrence, l’homme avait le plus grand mal à tenir la guerrière à distance – Sheila, sans nul doute, avait combattu bien des fois. Elle frappa d’estoc et de taille, pivota, dirigea sa lame vers le cou de son adversaire qui dut reculer à découvert. Une flèche lui traversa l’épaule.

Sheila sourit avec assurance.

Un immense ogre déboucha alors de l’ouverture à flanc de montagne. Un rugissement retentit au-dessus, un autre derrière le barbare, plus bas, non loin : le demi-ogre qu’il avait fait trébucher remontait à l’assaut !

— J’ai besoin de vous ! s’écria Wulfgar.

Il appelait ses amis, mais ses paroles se perdaient dans le vent.

Catti-Brie et Bruenor, où qu’ils soient, ne l’avaient sûrement pas entendu… Le barbare sentit que le manche de sa bardiche cédait encore un peu plus dans sa main ; l’arme se démantèlerait sans doute au prochain coup.

Wulfgar avança encore, se porta sur la gauche. Il voulait essayer de retarder le plus possible l’arrivée de l’ogre dans la bagarre. Mais c’est alors qu’une autre silhouette déboucha de l’ouverture, apparemment un autre pirate humain.

Le barbare se savait perdu.

 

* * *

 

Drizzt frappa, frappa encore ; il se servait du côté confiné de cet endroit contre son volumineux adversaire. En extérieur, à coup sûr, celui-ci lui aurait donné davantage de fil à retordre, surtout armé de Crocs de l’égide. Mais dans cette petite pièce, sous le plafond bas, à présent qu’il avait évalué la vitesse de réaction de l’ogre, le drow était bien trop rapide et expérimenté pour craindre grand-chose.

Plaie après plaie apparaissait sur la peau de Bloog – il hurlait. L’ogre appela l’elfe à l’aide.

L’elfe s’avança. Drizzt s’apprêta à mettre en œuvre une nouvelle stratégie qu’il avait prévue en pareil cas : s’arranger pour que l’ogre soit toujours entre lui et l’adversaire qui entrait dans la danse. Mais il n’en eut pas le temps, car le monstre, soudain, tituba. Une nouvelle blessure, profonde, était apparue dans son dos, au niveau de la hanche, et l’elfe souriait méchamment.

Drizzt et l’ogre considérèrent l’individu avec le même étonnement. Celui-ci plongea très vite son épée encore une fois ! L’ogre hurla, pivota, mais Drizzt était déjà là. Il enfonça profondément son cimeterre dans les reins de la bête.

Et cela continua, les alliés improvisés se partageant la tâche tandis que le malheureux Bloog se tournait dans tous les sens, sans jamais pouvoir surmonter sa surprise initiale ni les redoutables coups infligés.

L’énorme ogre ne tarda pas à s’effondrer et à rester immobile.

Drizzt considéra l’elfe de l’autre côté du cadavre monumental. Il gardait ses armes pointées vers le sol, mais ne relâchait pas sa vigilance pour l’instant ; il ne comprenait pas les motifs ni les intentions de son vis-à-vis.

— Peut-être sommes-nous alliés…, commença l’autre d’un ton moqueur, dénué de toute sincérité. Ou bien peut-être tenais-je simplement à te tuer moi-même et en ai-je eu assez des pitoyables efforts de Bloog contre toi.

Le drow commença alors à décrire un cercle, l’elfe aussi. Ils contournaient le corps de Bloog qui restait entre eux.

— On dirait que toi seul peux trancher entre ces possibilités, remarqua le drow.

L’individu eut un reniflement railleur, fit une réponse étonnante :

— Cela fait des années que j’attends ce moment, Drizzt Do’Urden !

Drizzt inspira profondément. Il avait devant lui quelqu’un qui voulait le mettre au défi, qui avait peut-être étudié soigneusement les capacités que lui prêtait sa réputation pour se préparer contre lui. Il n’était pas question de prendre la chose à la légère – le drow avait remarqué par quels gracieux mouvements l’elfe avait abattu Bloog –, mais Drizzt se rappela soudain qu’il n’y avait pas que cet affrontement dont il fallait se préoccuper. Ses amis comptaient sur lui !

— L’heure n’est pas à un duel, protesta-t-il.

— Mais si, précisément. J’ai tout organisé !

— Régis ! appela Drizzt.

Il se jeta en avant, les deux cimeterres dans la même main, et ramassa Crocs de l’égide de l’autre avant de le jeter dans l’âtre. Le halfelin y sauta pour prendre l’arme, s’arrêta le temps de voir le premier assaut de l’elfe contre Drizzt, épée et dague étincelantes.

Le drow, en un clin d’œil, s’était écarté, ses deux armes prêtes ; il avait adopté une posture défensive parfaitement équilibrée.

Le halfelin savait qu’il n’avait pas sa place dans ce combat au plus haut niveau. Il saisit le marteau de guerre et retourna dans la cheminée, puis, au carrefour, prit l’autre passage secondaire qui menait à la pièce apparemment vide qu’ils avaient déjà vue.

 

* * *

 

Le vent soufflait du bon côté. Catti-Brie entendit l’appel à l’aide désespéré de Wulfgar. Il avait de gros ennuis : les sons du combat, plus haut, arrivaient jusqu’à la jeune femme, en outre elle pouvait voir le demi-ogre qui remontait se joindre à la bagarre. Il était presque arrivé.

Mais la jeune femme, parvenue au sentier qui gravissait la pente après avoir sauté par-dessus la ravine, restait bloquée sur place par un barrage de flèches lancées contre elle.

Guenhwyvar avait fini par prendre forme ; avant que Catti-Brie ait eu le temps de lui donner des instructions, le fauve reçut un projectile. Il rugit puissamment et s’écarta d’un bond.

La jeune femme se jeta dans l’action : dès qu’elle le put, elle quitta l’abri que lui offrait la montagne pour lâcher un de ses traits redoutables. La flèche traversa la pierre. Un cri de douleur et d’étonnement mêlés retentit ; le coup devait avoir fait mouche. Mais les archers ennemis étaient nombreux. Elle restait coincée sans pouvoir rejoindre Wulfgar.

Elle put tout de même viser le demi-ogre qui grimpait opiniâtrement en direction du barbare. Son projectile frappa la créature au flanc, la renvoyant en bas de la pente.

Mais elle avait pris un gros risque ! Elle reçut à son tour une flèche dans l’avant-bras. Poussant un cri, Catti-Brie s’adossa contre la paroi. Elle saisit le manche de l’arme, assura sa prise, le regard déterminé, puis poussa la flèche à travers la chair, sans cesser de gronder de défi contre la souffrance. Ensuite, elle prit un pansement dans son paquetage et se banda le bras bien serré.

— Bruenor, t’es où ? prononça-t-elle à mi-voix. (Elle se sentait au bord du désespoir. Était-il possible qu’ils aient enfin pu se retrouver pour être séparés si peu de temps après, et pour toujours ?) Oh, Guen, va l’aider, pria-t-elle encore.

Elle noua l’extrémité de son bandage, installa une autre flèche en grimaçant de douleur.

 

* * *

 

Il se battait brillamment, avec ses instincts affûtés de guerrier, sans rage, sans crainte. Mais il recevait coup sur coup ; aucune de ces blessures n’était sérieuse, pourtant Wulfgar savait que tôt ou tard – très bientôt ! – il serait débordé. Il chanta le nom de son dieu Tempus, espérant que le dieu trouverait approprié, acceptable, qu’il meure avec ce nom révéré sur les lèvres.

Oui, il allait mourir, le fils de Beornegar, son arme presque en morceaux, vaincu par la femme pirate aux cheveux rouges et par l’ogre qui le serrait de près… sans parler du troisième adversaire qui approchait vite.

Aucune chance qu’on le rejoigne à temps.

Il avait au moins la satisfaction de périr honorablement, au combat.

Un coup porté par le pirate roux lui fit mal. Il pivota tout de suite pour bloquer l’ogre, et sut à ce moment précis que tout était fini : l’ouverture qu’il laissait à Sheila Kree suffirait pour qu’elle l’abatte.

Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour voir venir le coup fatal.

Wulfgar, en paix pour la première fois depuis bien des années, sourit.

 

* * *

 

Des cris de surprise venus d’au-dessus furent le signal qu’attendait Catti-Brie pour oser bondir à découvert.

La redoutable Guenhwyvar fonçait sur les archers ennemis ! Elle prenait flèche sur flèche, mais ne déviait ni ne ralentissait. Les hommes s’étaient mis debout. La jeune femme ne traîna pas pour transpercer la tempe de l’un d’eux, puis pour en abattre un deuxième.

Elle en visait un troisième, mais retint son coup : le fauve, bondissant au milieu des archers, dispersait la troupe. Un des hommes voulut gravir la paroi au fond du refuge… une grosse patte noire lui déchira tout l’arrière de la jambe. Il retomba.

Un autre n’hésita pas à sauter dans la pente qu’il dévala en rebondissant. Il avait préféré la chute à une fin tragique entre les griffes de la panthère. S’efforçant désespérément de contrôler sa trajectoire, il aboutit indemne sur une grosse pierre plus bas…

Tout à fait à portée de l’arc de Catti-Brie.

Au moins, sa mort fut rapide.

 

* * *

 

Sheila Kree le voyait fini. C’était tellement évident ! Elle plongea son épée vers le flanc exposé de Wulfgar.

Mais elle dut reculer sans avoir pu frapper : des jambes s’étaient nouées autour de sa taille, deux dagues la frappaient méchamment de part et d’autre du cou.

La femme pirate aguerrie se pencha en avant, faisant basculer cet assassin rusé.

— Morik, sale chien ! s’écria-t-elle en voyant le Rogue qui se relevait de sa roulade juste à côté du barbare, lames ensanglantées en main. (Elle tituba en arrière. Elle avait au moins le réconfort de voir d’autres membres de sa bande la dépasser pour se joindre au combat.) Tuez-les tous ! hurla-t-elle en retournant d’un pas mal assuré dans ses cavernes.

— Comme au bon vieux temps, hein ? proposa Morik à un Wulfgar abasourdi. (Le barbare, toutefois, s’était déjà remis à affronter son assaillant ogre. Il ne trouvait rien à répondre et se contenta de secouer la tête devant ce répit inespéré.) Alors, comme au bon vieux temps ? insista l’homme en tenant tête à deux pirates vicieux.

— Au bon vieux temps, on n’a pas souvent gagné, lui rappela tristement le barbare.

Même à deux, le combat restait très inégal.

 

* * *

 

Drizzt manœuvrait ses cimeterres en une débauche de parades tourbillonnantes qui, peu à peu, par de subtiles altérations de position, passaient de la défense à l’attaque, jusqu’à faire reculer l’elfe qui lui fit ses compliments tout en passant par-dessus une des jambes de l’ogre abattu :

— Bien joué !

— Je ne connais même pas ton nom, toi qui me voues une telle haine…, remarqua le drow.

L’elfe lui rit au nez.

— Je m’appelle Le’lorinel. Tu n’as pas besoin d’en savoir davantage.

Le drow secoua la tête, regarda encore ces yeux étincelants. Il croyait les reconnaître, plus ou moins, mais où les avait-il déjà vus ?

Il devait se consacrer au combat : Le’lorinel se jetait sur lui, les lames en avant.

Une épée visait la tête du drow. Il la para d’un cimeterre. L’elfe fit alors passer son arme sous la lame incurvée de son adversaire, puis porta de la main gauche sa dague en avant. Un mouvement brillant !

Drizzt l’était davantage encore. Il accepta le changement d’arme d’assaut et, au lieu de tenter de placer son second cimeterre pour dévier la dague, roula sur la droite, pointant sa lame vers le centre. L’épée fut repoussée, Le’lorinel dut en outre modifier la trajectoire de sa dague.

L’autre cimeterre se dirigea alors vers le flanc de l’elfe, selon une trajectoire de balayage.

Il rebondit. Drizzt aurait aussi bien pu chercher à trancher la pierre !

Le drow s’écarta, remarqua que Le’lorinel pivotait en souriant. Il reconnut sans peine l’enchantement, il avait vu des sorciers s’en servir. Avait-il face à lui un magelame, un guerrier entraîné à la fois au combat et aux arts profanes ?

Il sauta par-dessus le torse ensanglanté de Bloog, recula très vite au fond de la pièce, près de l’âtre.

L’elfe, tout sourires, leva une main en chuchotant quelques mots indistincts. L’anneau à son doigt jeta un éclair ; grâce à un nouvel enchantement, son possesseur se mut avec une rapidité accrue.

Certes, l’adversaire de Drizzt ne laissait rien au hasard !

 

* * *

 

Régis lâcha Crocs de l’égide au milieu des bûches qui flambaient, puis s’avança le plus bas possible, se retourna pour se présenter la tête en bas, et enfin saisit le bas de la hotte avant de se laisser tomber à terre. Il ne put éviter de marcher dans le feu, et se réjouit de porter de grosses bottes d’hiver, pour une fois, au lieu de marcher pieds nus !

Il considéra la pièce autour de lui ; c’était bien ce que Drizzt avait décrit. Il tendit la main, sortit le marteau de guerre du feu, puis se mit en devoir de traverser la salle en direction de la porte entrouverte.

En silence, il pénétra dans la pièce adjacente, plus petite, qui faisait penser à un atelier d’alchimiste. Il voyait très bien l’huis en face, la lumière du jour qui filtrait autour. Il courut là-bas, mania le loquet, ouvrit la porte.

C’est alors que le halfelin sentit une série d’impacts cinglants le heurter au dos et à la hanche. Il poussa un cri, sortit sur un balcon naturel… qui ne menait nulle part. Le combat faisait rage juste en dessous de lui ; il jeta Crocs de l’égide aussi loin qu’il put, appela Wulfgar.

Il revint à l’intérieur du mont sans regarder jusqu’où allait l’arme. La sorcière était là, son sort d’invisibilité avait pris fin. Elle le regardait depuis le fond de la pièce, ses mains s’agitaient tandis qu’elle incantait un nouvel enchantement.

Régis glapit, sortit en courant pour retourner dans la pièce principale ; là, il se dirigea d’abord vers l’âtre, puis bifurqua vers une autre issue.

L’air autour de lui se fit épais, encombré d’innombrables brins flottants d’un matériau collant, ressemblant à de la ficelle. Le halfelin se ravisa de nouveau, préférant finalement l’âtre dans l’espoir que les flammes brûleraient cette toile d’araignée magique. Mais il ne put guère s’en approcher, ses pas se ralentirent très vite. Tout son élan s’était envolé.

Il était pris, emprisonné dans un piège ensorcelé qui le retenait sans échappatoire possible, et si épais qu’il ne pouvait même plus respirer !

La sorcière se tenait devant lui, à quelques centimètres à peine de la limite de la toile. Elle leva la main, Régis vit briller une dague juste devant ses yeux.

 

* * *

 

Un autre archer tomba. Refoulant la douleur brûlante dans son bras raidi, Catti-Brie installa une nouvelle flèche sur Taulmaril.

D’autres hommes d’armes étaient apparus au-dessus de Guenhwyvar. Alors que l’héroïne visait cette zone, elle nota un mouvement en un endroit beaucoup plus dangereux, une plate-forme surplombant directement le combat où intervenait Wulfgar.

La jeune femme pivota vivement, faillit tirer.

C’était Régis, qui retournait déjà à l’intérieur… Crocs de l’égide, qui dévalait la pente !

Catti-Brie retint sa respiration ; elle craignait que le marteau de guerre dégringole en rebondissant jusqu’à l’océan. Mais, soudain, il resta coincé sur une étroite corniche en haut, sur le côté.

— Appelle-le ! hurla-t-elle à plusieurs reprises.

Jetant un coup d’œil au groupe d’archers le plus bas, celui où Guenhwyvar était encore à l’œuvre, elle fonça le long du sentier.

 

* * *

 

Drizzt arriva à l’âtre et mit un genou à terre. Il lâcha Glacemort qui tinta sur le sol de pierre, plongea la main dans les restes du feu. Il leva le bras, le baissa, plusieurs fois de suite, lançant une série de projectiles sur Le’lorinel. Un impact, un autre… l’elfe bloqua le troisième (un bâton tournoyant), mais l’objet se cassa en deux sur la lame qu’on lui opposait ; chacun des morceaux frappa.

Aucun des coups n’était sérieux, aucun n’aurait eu la moindre importance en l’absence de l’enchantement de peau de pierre. En l’occurrence, chaque projectile qui touchait Le’lorinel entamait un peu davantage le sort de protection.

— Bien vu, le drow ! apprécia l’elfe avant de s’avancer vers son ennemi accroupi, l’épée étincelante.

Drizzt reprit sa lame, parut se lever, puis se laissa tomber en arrière sur le sol et lança son pied qui rata de peu le tibia de son adversaire.

Il lui fallut ensuite rouler sur le côté, puis en arrière, pour se remettre sur pied. Ses cimeterres se levèrent très vite, effectuèrent parade sur parade pour bloquer les attaques féroces qui se succédaient.

 

* * *

 

Wulfgar se battait contre l’ogre, et la bardiche tombait en morceaux entre ses mains.

Sur le côté, Morik non plus ne ménageait pas sa peine. Deux pirates armés de coutelas inquiétants le pressaient.

— On n’a pas une chance ! s’écria-t-il.

— Pourquoi m’as-tu aidé, alors ? contra le barbare.

Le voleur ne trouva rien à répondre. Pourquoi, en effet, avait-il choisi de s’opposer à Sheila Kree ? Même quand il était redevenu visible, au moment où il descendait la rampe après les quartiers de Chogurugga, rien ne l’empêchait de se chercher une cachette obscure pour y attendre tranquillement la fin du conflit… Se maudissant pour sa décision qu’il trouvait désormais bien téméraire, le Rogue bondit en avant, frappa de ses dagues. Il atterrit et pivota en même temps, faisant voler sa cape sombre derrière lui.

— Fuis ! (Le vêtement resta sur place, les attaches en avaient été tranchées par deux coutelas. Morik passa derrière le barbare, puis entre deux gros rochers, et s’engagea plus haut sur le sentier. Il revint très vite dans l’autre sens en hurlant :) Pas par là !

Un ogre le suivait de près.

Wulfgar grogna en voyant ce nouvel ennemi qui semblait devoir se joindre au combat.

Encore un ! pensa-t-il, car il percevait du mouvement à côté de Morik.

Il ne s’agissait pas d’un ogre.

Bruenor Marteaudeguerre bondit sur un rocher au moment où le Rogue passait en dessous. La hache bien tenue à deux mains dans son dos, il visa soigneusement le monstre qui arrivait à toute vitesse.

CRAC !

L’impact fit penser à de la pierre qu’on fendait, et tout le monde alentour cessa de se battre un instant, le temps de voir un nain roux forcené sur la roche, juste au-dessus d’un ogre au crâne défoncé par sa hache. La créature ne tenait encore debout que parce que Bruenor tirait sur son arme pour essayer de l’arracher à l’os où elle restait coincée. Ravi, il interpella Wulfgar :

— C’est pas joli, ça ?

Le barbare secoua la tête, se remit en défense contre son adversaire ogre auquel se joignaient deux pirates.

— Tu as pris le temps ! remarqua-t-il.

— T’arrêtes de râler, oui ? cria Bruenor. La fifille a vu ton marteau, imbécile ! Appelle-le !

Le monstre face à Wulfgar fit un pas en arrière pour mieux charger ensuite, poussa un rugissement furieux et leva sa massue avant de foncer.

Le barbare lui jeta sa bardiche ruinée ; la bête la bloqua de la poitrine et du bras et en jeta les morceaux de côté.

— Formidable ! se lamenta Morik qui arrivait derrière son ami pour s’occuper des pirates.

Wulfgar ne l’écoutait pas, pas davantage que les menaces de l’ogre fou de rage. Non, il criait à pleins poumons sur la foi de ce que lui avait dit Bruenor.

— Tu veux quoi, minus ? fit le monstre.

Mais, sur la fin de sa phrase, l’expression de son mufle changea du tout au tout. Un superbe marteau de guerre venait d’apparaître entre les mains du barbare !

— Attrape ça ! proposa celui-ci en laissant s’envoler son arme fétiche.

La brute voulut procéder comme avec la bardiche brisée, encaisser l’impact de la poitrine et du bras pour repousser l’objet.

Elle n’avait pas compris qu’on changeait de catégorie.

Un instant plus tard, elle se demandait pourquoi elle restait assise contre un mur, le souffle coupé…

Bras levé, main tendue, Wulfgar rappela son marteau de guerre.

Il revint. Le guerrier et son arme étaient de nouveau réunis.

Un coutelas fila vers le flanc du barbare, jeté par un des pirates ; Morik poussa un cri d’avertissement.

Wulfgar rabattit Crocs de l’égide vers le bas, écarta la lame jetée vers lui. Dans un geste d’une aisance parfaite – on aurait cru le marteau de guerre une extension de son bras –, le barbare modifia sa prise sur l’arme, effectua un puissant balayage qui fit voler l’homme responsable de l’assaut.

L’autre humain se tourna, voulut s’enfuir, mais Morik le transperça avant qu’il soit allé bien loin.

Un nouvel ogre sortit de la montagne, jeta un regard menaçant au Rogue. Un éclair bleu passa entre les deux adversaires, renvoyant la brute à l’intérieur.

Les amis se tournèrent vers la source du projectile. Catti-Brie était là, arc en main.

— Guen a eu ceux au-dessus, expliqua-t-elle.

— Ventre-à-Pattes est là-haut lui aussi, il a sûrement besoin d’nous ! hurla Bruenor en faisant signe aux autres de le suivre.

Ils montèrent en courant le sentier, parvinrent à un niveau plus élevé, une zone étendue où une grosse porte se dressait devant eux, à flanc de montagne.

— Pas là ! voulut expliquer Morik. Des ogres énormes…

Il se tut, c’était inutile : Bruenor et Wulfgar fonçaient déjà sur l’huis, marteau de guerre et hache en folie, et le réduisaient à l’état de petit bois.

Ils entrèrent.

Chogurugga et ses aides attendaient !

 

* * *

 

Leurs armes se heurtaient sans trêve, toujours en mouvement, et le bruit ne cessait jamais. Grâce à son enchantement, Le’lorinel pouvait se mouvoir avec une agilité aussi stupéfiante que celle de Drizzt, mais, contrairement au drow, cela lui était inhabituel. Une telle rapidité exigeait des réflexes étourdissants en défense.

Cimeterre à droite, à gauche, droit devant… Drizzt porta à l’elfe, au torse, un sérieux coup d’estoc qui aurait marqué la fin du combat sans l’enchantement de peau de pierre.

— Combien cela en arrêtera-t-il encore ? demanda le drow qui se sentait de plus en plus sûr de lui en voyant que ses bottes débordaient les défenses de son adversaire. Nous ne sommes pas obligés d’aller jusqu’au bout !

Mais l’elfe ne donnait aucun signe de vouloir abandonner.

Drizzt frappa de taille sur la droite, puis pivota au moment où Le’lorinel, après sa parade, tournait également sur la droite. Au sortir de leurs manœuvres respectives, les deux combattants heurtèrent leurs quatre lames les unes contre les autres.

Le drow passa une des siennes par-dessus celle de l’elfe, l’obligeant à la baisser. Le’lorinel, comme prévu, porta une botte en avant, et Drizzt effectua un saut périlleux par-dessus l’attaque, atterrit sur ses pieds, se baissa tandis que l’épée lui passait au-dessus de la tête. Il frappa à son tour, touchant son adversaire au bassin, puis lui décocha un coup de pied qui l’atteignit au genou.

L’elfe poussa un cri de douleur, recula de quelques pas en titubant.

L’enchantement était épuisé ! Le prochain impact d’un cimeterre ferait saigner sa cible.

— Nous ne sommes pas obligés d’aller jusqu’au bout, répéta Drizzt d’un ton aimable.

L’autre lui jeta un regard indigné, puis sourit. Brandit l’anneau, prononça encore un mot. Un nouvel éclair brilla.

Drizzt chargea ; il tenait à contrer la prochaine traîtrise à venir…

Le’lorinel avait disparu.

Le drow s’arrêta dans une glissade, les yeux écarquillés. D’instinct, il fit appel à ses propres pouvoirs magiques innés et invoqua une sphère de ténèbres autour de lui. Elle remplit toute la pièce, le mettant sur un pied d’égalité avec son adversaire invisible.

L’elfe n’en avait pas espéré moins ! Avec le quatrième enchantement de l’anneau – le plus sournois – sa forme, dans d’autres conditions, aurait été soulignée d’une lueur surnaturelle.

Drizzt avança, tournoyant, lançant une botte après l’autre. Il savait fort bien se battre à l’aveuglette ! Chacune de ses attaques était accompagnée d’une parade, et ses cimeterres tourbillonnaient sans relâche autour de son corps.

En même temps, il écoutait. Il entendit le frottement de pieds sur la pierre.

Il fut tout de suite là, et se sentit tout près de la victoire quand sa lame résonna contre une épée mise gauchement en défense.

Drizzt crut que l’elfe, ayant mal calculé sa stratégie, se voyait à présent imposer un type de combat où le drow, expérimenté en la matière, avait un avantage d’importance.

Il frappa avec des coups larges, de gauche et de droite, ce qui maintenait l’adversaire face à lui.

À droite, à gauche, encore, et Drizzt, soudain, pivota après ce coup de taille, frappant de la lame à main droite à la sortie de sa révolution.

Il savait que la victoire était à lui : la position de la dague et de l’épée indiquait que Le’lorinel se retrouvait sans défense, dans une situation malencontreuse…

Le cimeterre déchira la chair au flanc de l’elfe.

Mais, à cet instant précis, Drizzt se retrouva lui aussi frappé au côté !

Dans l’impossibilité de retenir ou de ralentir son coup, il lui fallait terminer le mouvement ; sa lame ricocha sur une côte, déchira un poumon, trancha sauvagement sur l’avant la poitrine de Le’lorinel.

La même tranchée sanglante s’ouvrit dans le torse du drow.

Alors même que la douleur le déchirait, qu’il titubait en arrière, trébuchait sur la jambe de Bloog et s’effondrait sur le sol, contre le mur, Drizzt comprit ce qu’il s’était passé. L’enchantement de bouclier de flammes, un sort démoniaque, est conçu pour infliger les mêmes coups en symétrie quand on frappe quiconque l’utilise !

Il gisait immobile, un poumon crevé. Son sang, sa vie, le fuyait.

De l’autre côté, Le’lorinel, aussi près de la mort que Drizzt, poussa un grognement.

La Mer des Épées
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